(2021) - concerto for six contrabasses and orchestra
world première concert, opening season
Composition: 2017-2021.
Commissioned by Radio France, Festival Archipel, Basel Sinfonietta and Russian Concert Agency, with support of Ernst von Siemens Musik Stiftung, Pro Helvetia, Landis & Gyr Stiftung, Fondation Musique et Radio - Institut de France and Covéa Finance.
World première 17 September 2021,‘Auditorium de Radio France
Boris Trouchaud, Lorraine Campet, Édouard Macarez, Weiyu Chang, Lucas Henri et Yann Dubost: double basses
Orchestre Philharmonique de Radio France, conducted by Marc Desmonds.
Instrumentation : 6 double basses solo, 1 flûte et 1 flûte pouvant jouer le piccolo et la flûte basse, 2 hautbois, 1 clarinette et 1 clarinette pouvant jouer la clarinette basse, 1 basson et 1 basson pouvant jouer le contrebasson ; 2 cors, 2 trompettes, 2 trombones, 1 tuba ; timbales, percussion ; 1 harpe ; piano, 1 célesta ; les cordes (sans contrebasses).
at this link, interview with Durand.
Below an interview with François-Gildas Tual:
Six contrebasses : voilà bien un ensemble insolite, destiné ici à dialoguer avec l’orchestre, à la façon du concertino et du ripieno se donnant la réplique dans l’ancien concerto grosso. Six contrebasses à la fois solistes et partenaires pour une véritable prise de rôle. Habituées à soutenir les autres instruments, elles sont rarement exposées en première ligne : « La contrebasse, explique Oscar Bianchi, se cache derrière ou sur les côtés. Elle est l’instru- ment auquel le contrôleur délivre des amendes car elle prend trop de place dans le train. Elle est immense et discrète, et je souhaitais lui rendre justice dans une partition qui ne soit pas un simple exercice de virtuosité. »
La particularité de cette formation réside dans l’appartenance des six contrebasses à un même pupitre ; jouant régulièrement ensemble, elles sont soudainement projetées sur les devants de la scène dans des parties plus individuelles. Elles révèlent ainsi une énergie sous-estimée, et se rebellent contre les préjugés désuets qui les condamnent trop souvent à une certaine lenteur, critiquent leur justesse, parfois doutent de leur compréhension
de la musique, se souvenant peut-être des contrebassistes surpris par les demandes de Beethoven dans la Neuvième Symphonie. La complexité du travail réside alors dans le partage et l’articulation du discours, dans la mise en œuvre des différents types de relation au sein du petit groupe et avec l’orchestre, à partir d’un travail avec les contrebassistes eux-mêmes.
Pour contrebasse, le concerto est demeuré chose rare, et ne s’est imposé qu’au XIXe siècle avec Giovanni Bottesini après quelques essais de Domenico Dragonetti et de Johannes Matthias Sperger, de Jean-Baptiste Vanhal, de Carl Ditters von Dittersdorf et de Joseph Haydn ; pour six contrebasses, le concerto est chose inédite ! Depuis longtemps, Oscar Bianchi est attiré par les registres graves, au point de recourir aux versions rares et inouïes des instruments à cordes ou à vent, saxophone tubax, clarinette et autre flûte à bec dans leurs déclinaisons de contrebasse (écoutons Matra en 2007, ou Contingency dix ans plus tard, deux œuvres parmi bien d’autres). Pour son concerto et selon ses propres mots, Oscar Bianchi s’est laissé influencer par les techniques de jeu plus ou moins orthodoxes que lui ont présentées les instrumentistes de l’Orchestre Philharmonique de Radio France : parmi les modes d’attaque ou de déformation du son, le flanger pizzicato (le bois de l’archet intercepte les vibrations de la corde sollicitée par les doigts de la main gauche), le spazzolato à multiples vitesses (en brossant verticalement la corde avec l’archet entre la touche et le chevalet), le seagul effect (effet mouette, ou cascade iridescente d’harmo- niques en glissando), des harmoniques naturels ou artificiels, sinon explosifs (sur une note accentuée, avec des oscillations très rapides entre des harmoniques proches), pouvant aboutir à la perception de multiphoniques. « Tout semble possible avec la contrebasse, ajoute Oscar Bianchi. Si la gravité de ses cordes flirte, selon les modes de jeu, avec le bruit, la profondeur ou le cri, ses harmoniques livrent des sons-lumière dans un registre de mezzo-soprano ou de soprano très audible. Son immense latitude (comparée à celle de ses petits frères : violoncelle, alto et violon) entre molto sul ponticello – sur le chevalet – et alto sul tasto – sur la touche – permet des transformations du son à la façon des voyelles avec la voix, telles des modifications des zones de formants sans changer la hauteur. Cette technique confère à l’instrument un vrai potentiel poétique. » Une vocalité qui s’inscrit dans l’histoire italienne de la contrebasse, même si Beethoven n’a pas manqué de lui prêter d’autres lettres de noblesse en lui confiant l’introduction des principaux thèmes de sa Neuvième Symphonie ou en lui proposant de nouvelles écritures pour l’orage de sa Sixième Symphonie « Pastorale ».
À propos du titre 6 db : ce sont non seulement six contrebasses (Double bass en anglais), mais aussi six décibels (dB), seuil très fragile entre le silence et le son perceptible, de sorte que la valeur est aussi utilisée pour la confection de filtres. La pièce s’offre comme un nouvel espace acoustique, loin du concerto demandant aux instruments de multiplier les numéros de funambule. Ce serait plutôt un moment privilégié durant lequel les contrebasses pourraient s’approprier d’autres contenus ; d’une quête de valeur, de profondeur et d’épaisseur,
dans le son et dans le sens. Au sein du sextuor, nulle compétition. Chacun se fond dans la polyphonie au bénéfice du groupe, dans un parfait équilibre d’unité et de multiplicité dont il résulte parfois une sorte d’hétérophonie, ligne unique mais qui se subdiviserait en de très légères variantes. Un seul mouvement, mais différentes sections se distinguant en fonction du caractère, tantôt plus lyrique (mélodique), tantôt plus virtuose et brillant, brut ou irréel. Comme un fil rouge, les contrebasses racontent leur histoire ; par une discrète allusion au « Nel cor più non mi sento » de Paisiello, célèbre thème de l’opéra La molinara ensuite va- rié par Beethoven, elles font le pont entre le vocal et l’instrumental, entre l’Italie et Vienne, traversent les âges. Pour les accompagner, un orchestre avec les vents par deux, percus- sions et timbales.
« Je ne voulais pas d’une orchestration ad hoc pour mettre en valeur les contrebasses, continue Oscar Bianchi. Je n’ai ajouté à l’effectif que le contrebasson et le tuba, afin de permettre aux cordes et aux vents de se retrouver aussi dans le registre grave. Je souhai- tais que les contrebasses soient chez elles dans cet orchestre, dans leur habitat, et je me refusais à réduire l’orchestre sur le prétexte que la projection du son des contrebasses était limitée. Comme dans une rencontre entre des acteurs qui se connaissent mais dont les rôles ont été chamboulés, la relation est curieuse, étroite et dynamique à la fois. L’orchestre cherche son nouveau centre en se concentrant sur le geste, la couleur et les interactions, et en lançant des propositions, s’approprie la ténacité des solistes, renouvelle le partena- riat ou relance des défis. Une sorte de cadre, de cosmos peut-être, pour confirmer une nouvelle appartenance de la contrebasse à l’orchestre symphonique. »
François-Gildas Tual (propos d’Oscar Bianchi recueillis en août 2021)
for 6 contrabasses & orchestra. Basel Sinfonietta, Baldur Brönniman conductor. Swiss première tour
for 6 contrabasses & orchestra. Basel Sinfonietta, Baldur Brönniman conductor. Swiss première tour
concerto for six double basses. Closing Gala Concert of the XV WIAFS.
for 6 contrabasses & orchestra, Orchestre Philarmonique de Radio France, Marc Desmonds
L'histoire suivante était tout entière à écrire : la création mondiale de 6 db, le concerto pour six contrebasses et orchestre (2017-2021) d'Oscar Bianchi dont titre fait allusion à la fois à la dénomination anglaise, six double-basses, et aux six décibels qui marquent le seuil entre le silence et le son perceptible....
...Oscar Bianchi a intégré cette complicité à son écriture, reconnaissant s'être « laissé influencé par les techniques de jeu plus ou moins orthodoxes que lui ont présenté les instrumentistes ». Cette exploration des modes de production du son ne rigidifie pas l'œuvre, au contraire : d'une virtuosité consommée, elle obéit tout au long à un plaisir du jeu — dans toutes ses acceptions — très séduisant. Commencée dans une incertitude sonore savamment établie, elle prend ses marques, révèle son architecture, déploie sa véritable ampleur. Bianchi signe une partition très habile, tant dans le traitement de l'orchestre que dans l'écriture pour les solistes, qu'il s'agisse de l'exploitation du potentiel des instruments (son, étoffe, dynamique, volume), des parties dévolues à chacun, ou de leurs interactions. Cela avec un sens des couleurs et une plasticité sonore qui évitent la simple démonstration. Franc succès pour l'œuvre et les interprètes — gageons que tous les pupitres de contrebasses du monde voudront s'approprier cette occasion de prendre la lumière !
...c’est dans l’oscillation raffinée des harmoniques que débute l’œuvre, les archets qui délicatement font vibrer les métallophones immergeant les contrebasses dans une aura indicible, rehaussée par le souffle de grands fléaux. S’il vous a été donné de tenir un jour un archet de contrebasse pour mordre la corde, ou de vous être trouvé assez près de l’instrument, vous avez perçu cette granulosité inimitable du son, à la fois rauque et douce, comme un soupir : c’est à partir de cette morsure du métal et de la colophane, peut-être de la matière poudreuse de l’attaque de la corde alors exprimée par le crin, que surgit une sorte de vocalité qui, ce soir, contamine l’orchestre de ses paradoxes spécifiques. Outre ce travail fascinant sur le timbre, avec des col legno plus farouches auxquels souvent répondent des cuivres déclamateurs, voire chanteurs, 6 db happe l’écoute par son impermanence métrique qui induit la croisée de plusieurs gestes compositionnels, parfois ponctués de bruissements quasi campanaires. Passé une promenade plus drument rythmique, cet unique mouvement en arche regagne les friselis liminaires. Une nouvelle fois, Oscar Bianchi expulse au plus lointain l’horizon du connu